Des tribunaux jusqu'à l'Assemblée, comment le lobby des nitrites mène la guerre contre l'appli Yuka

Alors que l’application anti-malbouffe Yuka vient de remporter une bataille dans la guerre judiciaire qui l’oppose aux charcutiers industriels sur la cancérogénicité des nitrites, l’affrontement se joue sur d’autres terrains : à l’Assemblée nationale, à Bruxelles ou dans des laboratoires de recherches, les lobbies de l’alimentaire poussent leurs pions.

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Alors que l’application anti-malbouffe Yuka vient de remporter une bataille dans la guerre judiciaire qui l’oppose aux charcutiers industriels sur la cancérogénicité des nitrites, l’affrontement se joue sur d’autres terrains : à l’Assemblée nationale, à Bruxelles ou dans des laboratoires de recherches, les lobbies de l’alimentaire poussent leurs pions.
C’est à la cour d’appel d’Aix-en-Provence que s’est jouée, le 27 octobre dernier, une manche capitale dans l’affrontement entrepris par les industriels de la charcuterie contre Yuka. L’objet du contentieux ? La mention « cancérogène » qui apparaissait sur la fiche des produits charcutiers scannés par l’application lorsque ceux-ci contiennent des additifs nitrés, en l’occurrence les E249, E250, E251 et E252 utilisés comme conservateurs, colorants et antiseptiques. Classés « cancérogènes probables » par l’Organisation mondiale de la Santé, ils seraient responsables chaque année de 3 000 cancers colorectaux en France. Autant d’éléments qui ont conduit le député Richard Ramos (MoDem) à créer une mission d’information parlementaire ayant abouti, en février dernier, au vote d’une loi ouvrant la voie à une interdiction des additifs incriminés… si une nouvelle étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) venait à confirmer leur toxicité.

La vaste constellation des lobbies pro-nitrites s’est alors mobilisée, notamment devant les tribunaux de commerce de Paris, Brive et Aix-en-Provence : devant ces juridictions, la puissante Fédération des industriels charcutiers et traiteurs (Fict), mais aussi la marque Le Mont de la Coste et ABC Industrie, propriétés d’Antoine d’Espous (vice-président de la même Fict), faisaient condamner Yuka à trois reprises en 2021 pour « dénigrement » et « concurrence déloyale ». La start-up aux 16,5 millions d’utilisateurs en France a donc dû retirer des fiches associées aux produits traités par les additifs controversés la mention « cancérogène » ou « génotoxique ». « Un modèle de procédure bâillon », résume Benoît Martin, cofondateur de Yuka. Mais le 8 décembre, la cour d’appel d’Aix inversait la tendance : pour la première fois, un membre du lobby charcutier était débouté de toutes ses demandes. Pourtant, maître Grall, avocat d’ABC Industrie à la manœuvre sur l’ensemble des procédures, n’avait pas ménagé ses efforts.

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