Source
https://www.politis.fr/articles/2023/04/harcelement-sexuel-agression-racisme-la-face-cachee-du-snu/
Politis révèle les pratiques d’un commandant et d’un lieutenant-colonel au cours de deux séjours de cohésion du service national universel (SNU). Contacté, le cabinet de Sarah El Haïry annonce avoir saisi l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche pour qu’elle engage une enquête administrative, suite à nos informations. Selon l’AFP, il affirme avoir également saisi le procureur de la République.
Sarah El Haïry n’a de cesse de le répéter : le service national universel (SNU), c’est un projet « pour gagner en confiance, s’émanciper », pour « créer de la solidarité, de l’engagement et de la cohésion », et « pour faire vivre les valeurs de la République ». C’est ainsi que la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse défendait le SNU, quelques jours après nos révélations sur la potentielle obligation en temps scolaire de ce dispositif très controversé.
Ces promesses contrastent avec les éléments exclusifs recueillis par Politis, révélant des cas de harcèlement sexuel, propos racistes, humiliations et gestes déplacés qui auraient été commis par Philippe H., commandant, et une attitude jugée « inappropriée » de la part de Dominique V., lieutenant-colonel, sur des tuteurs et des volontaires, au cours de deux séjours de cohésion de douze jours ayant eu lieu dans un centre en Île-de-France, à l’été 2022.
Contacté, le cabinet de Sarah El Haïry annonce avoir saisi l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche pour qu’elle engage une enquête administrative à la suite de nos informations. À l’AFP, il affirme avoir également saisi le procureur de la République.
Présent lors des deux sessions, Dominique V. était attaché au poste d’adjoint à l’éducation, tandis que Philippe H., arrivé seulement pour le deuxième séjour de cohésion, était référent sport. Ils répondaient tous deux aux consignes du chef de centre et de son adjointe à l’encadrement. Les tuteurs, de jeunes adultes pourvus pour la plupart d’un diplôme d’animateur, s’occupent, eux, de leurs maisonnées respectives, composées au maximum de 14 volontaires, en grande partie mineurs.
Malgré le souvenir positif laissé par le SNU chez plusieurs volontaires, d’autres ont des mots durs pour décrire les incidents dont ils ont été victimes ou témoins. « Traumatisant », « terrifiant », « agressif », « très méprisant » : des qualificatifs que l’on retrouve dans un rapport transmis par l’adjointe au chef de centre au Service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES). Ce document, que Politis a pu consulter, est resté, à ce jour, sans réponse. Un second rapport, celui-là écrit par le lieutenant-colonel visé et dont Politis a pu avoir copie, a lui aussi été confié au SDJES.
Au terme de ce séjour de cohésion, une enquête administrative a été ouverte mais à la suite de plaintes des parents d’une volontaire qui se sentait exclue par certains tuteurs. Et non sur la base des incidents évoqués. Si les encadrants ont été interrogés par le SDJES, les militaires, eux, auraient échappé à cet échange. Contacté à plusieurs reprises, le lieutenant-colonel n’a pas répondu à nos sollicitations tandis que le commandant a indiqué être « soumis à son droit de réserve ».
Deux autres personnes n’ont pas été interrogées par le SDJES. Elles ont pourtant subi les faits les plus graves. Il s’agit de Sabrina*, une tutrice de 21 ans qui dit avoir été victime de « harcèlement sexuel » de la part du commandant, et d’un autre tuteur victime, lui, d’« agression sexuelle », selon ses collègues.
Près de huit mois après cette enquête, les personnes interrogées n’ont eu aucune nouvelle. Un évitement que plusieurs encadrants considèrent comme une tentative de mettre « la poussière sous le tapis » de la part de l’académie compétente. Cette dernière n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.
« Comme si ça l’excitait »
Cette « poussière » s’est amassée dès le premier jour. Le 2 juillet, lors de la distribution des uniformes, Sabrina se trouve à côté du commandant. Les jeunes arrivent et la tutrice constate rapidement qu’il manque des petites tailles. « Le militaire commence à s’énerver », se souvient la jeune femme, animatrice en périscolaire. Pour calmer le jeu, elle explique qu’elle garderait bien un tee-shirt trop grand pour l’utiliser comme pyjama. Soudain, le regard du commandant change.
« Il s’approche de moi, pose le tee-shirt contre mon corps et me dit qu’il m’imagine bien le porter, toute nue en dessous », confie-t-elle à Politis. L’homme, âgé de plus de 60 ans, fixe Sabrina et « fait un petit bruit de gémissement, comme si ça l’excitait ». Un geste, confirmé par un témoin, qu’il exécute après avoir « reniflé le tee-shirt », précise le rapport rédigé par l’adjointe au chef du centre dans lequel est consigné chaque incident.
Les remarques se poursuivent, souvent en direction de Sabrina. Devant elle et Rym*, une autre tutrice, le commandant se vante d’avoir plusieurs tatouages. Notamment un sur son « bangala », un mot familier au Cameroun pour désigner le pénis. « Donc vous imaginez bien que j’en ai une très grande », ajoute-t-il.
On essayait de ne pas rester avec lui. Les petites, elles aussi, n’étaient pas à l’aise.
Toujours lors de ce premier jour, devant une porte que l’adjointe au chef du centre et une cadre spécialisée peinent à déverrouiller, le commandant arrive et parvient à l’ouvrir. Satisfait, il déclare devant plusieurs témoins : « Moi, je suis doué lorsqu’il s’agit de doigter. » Présent, le lieutenant-colonel, pourtant plus gradé, ne tique pas. Pis, il est hilare. Une attitude qui est reprochée par plusieurs tutrices, notamment Rym, qui constate aussi que le commandant « avait le dessus » sur son supérieur.
https://www.politis.fr/articles/2023/04/harcelement-sexuel-agression-racisme-la-face-cachee-du-snu/
Add a review