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https://www.euractiv.fr/section/economie/news/80-des-boulangeries-pourraient-fermer-face-a-laugmentation-des-couts-de-production/
Alors que la baguette de pain vient d’être classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, de nombreux boulangers français risquent de fermer début 2023, devant la hausse des prix de l’électricité et des matières premières.
« Le symbole de l’Unesco est important. C’est une reconnaissance pour nous, mais malheureusement, la reconnaissance ne paye pas les factures, confie à EURACTIV Jérémy Ferrer, artisan boulanger dans la ville de Meaux (Seine-et-Marne). Il faut comprendre que demain, il n’y aura peut-être plus d’artisans pour fabriquer nos baguettes. »
Avec l’augmentation des coûts des matières premières qui atteignent des sommets et surtout la hausse des prix de l’électricité, la situation est plus que délicate pour les 33 000 artisans-boulangers français.
Déjà concurrencés par les boulangeries industrielles et les grandes surfaces, ces commerces de centre-ville – parfois les derniers – ont vu leurs défaillances plus que doubler entre 2021 et 2022 au troisième trimestre, selon la dernière étude Altares.
Mais le secteur craint que le pire soit encore à venir. En janvier 2023, Jérémy Ferrer, verra sa facture d’électricité multipliée par 4 ou 5. Il vient de se séparer de son unique employé, « seul moyen de refaire de la trésorerie ». Son père va devoir reprendre le poste.
À la tête de Grain de Blé, un groupement d’artisans boulangers qu’il accompagne et conseille, en particulier pour négocier les tarifs, ce jeune boulanger constate autour de lui des factures pouvant croître d’un facteur 12.
« Il y a également une hausse de 50 % des matières premières en moyenne. 45 % pour la farine, plus de 100 % pour le beurre, sans oublier le sucre, le sel », ajoute-t-il.
Outre les boulangers, c’est toute la filière du pain qui est atteinte. En particulier les PME et TPE en amont. Son meunier a vu sa facture d’électricité multipliée par dix. Il y a quelques semaines, l’Association Nationale de la Meunerie Française alertait sur cette « hausse drastique des coûts de l’électricité, suite à celle du blé », laquelle « constitue une menace sans précédent pour la rentabilité de la meunerie française. »
8 boulangeries sur 10 menacées de fermetures
Cette situation s’explique aussi par le fait que les boulangers – comme certains meuniers, les bouchers-charcutiers – ne peuvent prétendre au bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement pour aider les entreprises.
En effet, la plupart de ces entreprises « énergivores », disposant de puissants fours électriques, dépassent les 36 kVA et ne peuvent donc bénéficier du plafond de 15 % d’augmentation dans la facture.
Interpellé sur ce sujet par la députée socialiste Valérie Rabault lors des questions au Gouvernement mardi (6 décembre), le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a insisté sur « l’amortisseur » qui permettra à toutes les PME de moins de 250 salariés non-bénéficiaires du bouclier tarifaire, de demander une réduction de 20 % de leur facture à partir de 2023.
« Pour des factures multipliées par 5 jusqu’à 12 fois, ce n’est clairement pas suffisant », confesse Jérémy Ferrer. Le ministre a tout de même déclaré que le gouvernement regardera « ce qui doit être mis en place de complémentaires pour aider les professions dans une situation particulière, les boulangers en font partie ».
« Nous ne laisserons pas tomber les boulangers de France », a-t-il déclaré dans l’hémicycle.
Pour le boulanger, seuls « des prix justes » pourront permettre de sauver les boulangeries. « Aujourd’hui, plusieurs pays européens comme la Pologne, l’Espagne ou le Portugal ont réussi à encadrer les prix de l’énergie. Pourquoi pas nous ? Et s’ils ne le font pas, qu’ils étendent au moins le bouclier tarifaire ».
Dans les autres pays européens consommateurs de pain, la situation n’est guère plus enviable. Début septembre, les boulangers allemands avaient manifesté en servant leurs clients dans l’obscurité durant une journée. Même chose en Belgique au mois d’octobre.
Selon le regroupement Grain de Blé, 80 % des artisans boulangers français ne bénéficient pas du bouclier tarifaire à l’heure actuelle. Ce sont donc 8 entreprises sur 10 qui risquent de fermer en 2023.
Autre problème pour les boulangers : leur faible marge de manœuvre sur les prix du pain. En augmentant sa baguette tradition de 10 centimes d’euros, Jérémy Ferrer a déjà perdu des clients. Une hausse supplémentaire serait donc trop risquée d’un point de vue commercial.
Dans l’attente d’une décision
L’hiver s’annonce donc rude pour les boulangers en particulier dans le monde rural. En attendant d’y voir plus clair sur leur avenir proche, certains tentent de cuire le pain plus tôt dans la nuit afin de bénéficier de tarifs plus avantageux. Mais le moral est en berne.
« On était déjà en situation de fragilité, là c’est le coup de grâce. Il faut que les Français se préparent à voir leur commerce préféré disparaître », lance l’artisan francilien, reçu la semaine dernière, avec d’autres représentants du secteur, par la ministre chargée des PME, du Commerce et de l’Artisanat Olivia Grégoire.
Cette dernière devrait à nouveau les recevoir dans les jours qui viennent.
La baguette de Jérémy Ferrer a beau être désormais inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco, « cela ne changera rien ». « D’autant plus que l’on vient d’intégrer la baguette en général, y compris la baguette blanche industrielle, pas la baguette tradition que nous vendons et défendons, nous artisans boulangers », tient-il à préciser.
En France, le nombre de petites boulangeries est passé de 55 000 en 1970, à environ 33 000 aujourd’hui. Elles détiennent 55 % du marché du pain. À titre de comparaison, l’Allemagne possédait également 55 000 petits commerces il y a une cinquantaine d’années. Elle n’en a plus que 14 000, pour 11 % de part de marché.
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