Source
https://www.francesoir.fr/societe-sante/elisabeth-bik-la-deceleuse-de-fraudes-scientifiques-soupcons
Elisabeth Bik, « déceleuse de fraudes scientifiques » auto-proclamée, s’acharne depuis plus de trois ans à tenter de démontrer, principalement sur le site PubPeer, que de nombreux articles scientifiques issus de l’Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection (IHU) sont fondés sur des falsifications ou des erreurs. Son attention s’est portée plus particulièrement sur les publications des professeurs Didier Raoult, Marc-Édouard Fournier, Philippe Gautret et Michel Drancourt, qui, pour certains d'entre eux, devant l’acharnement à leur encontre, ont porté plainte le 29 avril 2021 pour « harcèlement, tentative de chantage et d’extorsion ».
Pourtant, en se penchant sur le parcours de celle qui se dit spécialisée en intégrité scientifique, on apprend que la fondatrice des blogs Microbiome Digest et Science Integrity Digest n'est pas nécessairement au-dessus de tout soupçon.
Au-delà des aspects scientifiques dont la fiabilité peut être remise en cause, Elisabeth Bik sert-elle d'autres intérêts ? Si oui, lesquels ?
Les accusations d’Elisabeth Bik sur PubPeer
Elisabeth Bik a porté de très nombreuses accusations contre l’IHU-MI et les publications scientifiques des professeurs Raoult et Drancourt notamment. Cette « déceleuse de fraudes scientifiques » auto-proclamée, reproche aux chercheurs de l’IHU-MI des fraudes pour 246 articles épinglés sur le site PubPeer, une plateforme de post-publication sur laquelle ses utilisateurs (principalement anonymes) publient des commentaires sur des articles scientifiques déjà publiés dans les revues spécialisées. Devant l’acharnement à l’encontre de l’IHU-MI, le Pr Didier Raoult a demandé une investigation à l’université d’Aix-Marseille pour toutes les allégations portées par Elisabeth Bik.
Les accusations d’Elisabeth Bik sur les erreurs de Comité de Protection des Personnes (CPP)
Selon les chercheurs de l'IHU, parmi les nombreux reproches d’Elisabeth Bik publiés sur PubPeer, 70 % concernent « une potentielle absence ou une erreur de numérotation de Comité de Protection des Personnes », des reproches qui ne concernent pas le domaine de l’éthique, mais qui tiennent à la règlementation.
Cependant, les reproches d’Elisabeth Bik sur les CPP manquants ne sont pas valables pour la simple et bonne raison que le travail des chercheurs de l’IHU concernés par ses signalements, portait sur des déchets (excréments, poux) avec pour objectif de réaliser une analyse microbienne. Selon la loi française, demander un avis de CPP dans ce cas de figure n'est pas nécessaire. La raison à cela est simple : depuis l'apparition du droit romain, les déchets anonymisés n’appartiennent à personne. Par conséquent, les reproches d’Elisabeth Bik sont nuls et non avenus.
« En pratique les règles d’éthique sont régulées par la déclaration d’Helsinki et des lois nationales. Dans ces conditions, l’obtention de déchets anonymisés comme les matières fécales ou la collection de poux sur des vêtements avec pour finalité une analyse microbienne ne nécessite pas dans la loi française l’avis de comité d’éthique ou la demande de CPP, nous avions posé la question au comité d’éthique du CNRS. C’est le cas aussi pour les prélèvements issus de protocoles de soins dont l’utilisation des « fonds de tubes » anonymisés à des fins de recherche est autorisée, nous avons eu là aussi la confirmation écrite des autorités compétentes. Enfin, les missions de l’IHU autour du CNR des Rickettsia, Coxiella et Bartonella, ou bien autour des pèlerins, ou des sans-abris sont parfaitement encadrées d’un point de vue éthique. Cela signifie que déjà 70 % des demandes de Pubpeer sont totalement illicites », est-il écrit sur le site de l'IHU en réponse aux critiques de Mme Bik.
Les accusations d’Elisabeth Bik de démarche scientifique néo-coloniale à l’encontre des chercheurs de l’IHU
Elisabeth Bik, qui se présente comme une porte-parole de l'intégrité scientifique, respecte-t-elle pour autant les grands principes de l'éthique de la recherche qui reposent sur le respect des règles de déontologie des métiers de la recherche scientifique ? Si la déontologie se définit comme la mise en œuvre d'une démarche scientifique rigoureuse et intègre que les chercheurs se doivent d'appliquer en respectant l'éthique et les bonnes pratiques en matière de recherche, ainsi que la mise en place de procédures claires et connues, alors il est permis de douter du respect des règles de déontologie de la part d'Elisabeth Bik lorsque celle-ci, à pas moins de 22 reprises, a qualifié la recherche de l’IHU-MI de science néocoloniale. Des accusations qu'elle s'est manifestement empressée de retirer après avoir appris le dépôt de plainte de l'IHU-MI et des professeurs concernés le 29 avril 2021.
Madame Bik n'assumerait-elle plus ce qu'elle a écrit ? Quoi qu'il en soit, les scientifiques de l'IHU-MI ont pris soin de compiler ses propos, avant qu'elle ne les retire.
Si tout chercheur peut commenter et critiquer le travail d'autres chercheurs, il se doit néanmoins de porter la critique en conservant des normes éthiques applicables dans son champ disciplinaire. Or, à la lecture des commentaires d'Elisabeth Bik, on voit que les propos de cette dame dépassent largement l'examen scientifique. En choisissant le mot néo-colonialisme pour disqualifier le travail des chercheurs de l'IHU-MI, elle n'est plus dans le registre de la critique scientifique, mais dans celui de la diabolisation afin de faire perdre publiquement toute crédibilité à des ennemis désignés de manière arbitraire.
Pour saisir la gravité des accusations d'Elisabeth Bik à l'encontre des scientifiques de l'IHU, il faut relire la définition du mot néo-colonialisme, qui permet de comprendre ce que ce terme recouvre : « tentatives d'une ex-puissance coloniale de maintenir par des moyens détournés ou cachés la domination économique ou culturelle sur ses anciennes colonies après leur indépendance ». On apprend également que « le néo-colonialisme est principalement fondé sur des politiques commerciales, économiques et financières qui de facto permettent un contrôle des pays du tiers-monde (...) et que par extension, le terme est utilisé pour qualifier les politiques d'institutions financières internationales comme la Banque mondiale, le Fonds Monétaire Internationale ou le G8, qui, par leur choix d'accorder ou non des prêts ou des aides économiques, contraignent les pays pauvres à prendre des mesures structurelles qui accroissent la pauvreté tout en favorisant les intérêts financiers des pays riches et des multinationales ».
Comment Elisabeth Bik en est-elle arrivée à qualifier la démarche des scientifiques de l'IHU de science néocoloniale ("Neocolonial Science") ? Qu'avaient-ils fait pour mériter de tels qualificatifs ? À la lecture des critiques qui ont pu être conservées, on s'aperçoit que son principal reproche contre les scientifiques français et libanais qui ont conduit une recherche au Congo, est de ne pas avoir inclus un chercheur local dans leur projet. Chacun jugera de ces propos. Néanmoins, il est utile de rappeler que l'IHU-MI, depuis sa création en 2011, a accueilli plus de 1 000 chercheurs, doctorants et post-doctorants venus du continent africain.
Par ailleurs, la politique de l'IHU et de ses chercheurs est de mettre toutes les recherches et les résultats de leurs travaux en accès libre, montrant par là que la connaissance est, pour eux, le patrimoine commun de toute l'humanité. Cette démarche, loin d'être pratiquée par tous les établissements scientifiques, est aussi une invitation à l'échange et à la discussion.
Enfin, comme chacun a pu le remarquer, dans le nom de l'institut, il y a le mot "Méditerranée", une mer qui borde plusieurs pays, plusieurs continents. De fait, le pôle d'expertise de ce centre, unique en Europe, s'inscrit très profondément dans l'histoire de la médecine de la ville de Marseille dont la géographie particulière, avec son port ouvert sur l'Afrique, en fait un lieu propice à l'entrée des virus. Tout cela ne pouvait que favoriser l'ouverture, la coopération et les partenariats entre les nations des continents européen et africain.
Elisabeth Bik accuse les scientifiques de l'IHU de manipulation d'images
L'affaire concerne une publication intitulée Survival of Environmental Mycobacteria in Acanthamoeba polyphaga parue en septembre 2006 dans Applied and Environmental Microbiology. Les auteurs de cette publication sont Toïdi Adékambi, Skandar Ben Salah, Mohamed Khlif, Didier Raoult et Michel Drancourt.
Que reproche Elisabeth Bik à cette publication et à ses auteurs ? En mars 2021, soit 15 ans après la parution dudit article, Elisabeth Bik a écrit sur PubPeer qu'il y avait une réplication d'image d'un article plus ancien intitulé Amoebal Coculture of “Mycobacterium massiliense” sp. nov. from the Sputum of a Patient with Hemoptoic Pneumonia, paru en juin 2004 dans Journal of Clinical Microbiology et écrit par les mêmes auteurs. Les sujets des deux articles étaient proches, mais comportaient néanmoins certaines différences.
Selon les commentaires qu'Elisabeth Bik a laissés sur le site PubPeer :
« La photo de Mycobacterium massiliense semble ressembler partiellement à une photo de Mycobacterium massiliense de la Figure 1A dans un article plus ancien des mêmes auteurs, c'est-à-dire Toïdi Adékambi et al, dans Journal of Clinical Microbiology (2004). La photo de 2004 se superpose également à la figure 3 A de cet article (non montrée). Les expériences présentées dans les deux articles semblent légèrement différentes. L'article du JCM de 2004 décrit l'inoculation des amibes avec l'échantillon de crachat d'un patient. L'article de l'AEM de 2006 décrit que les amibes ont été inoculées avec des souches bactériennes. La souche de M. massiliense semble être le même isolat que celui décrit dans l'article de la JCM de 2004, mais ce n'est pas tout à fait la même chose d'inoculer des amibes avec des crachats de patients ou des souches isolées. En outre, la souche M. massiliense est décrite dans le tableau 1 comme provenant du liquide broncho-alvéolaire, alors que la photo de 2004 a été obtenue en incubant les amibes avec des expectorations ».
Ce qui frappe lorsqu'on examine les accusations d'Elisabeth Bik sur le site PubPeer, c'est l'absence de réponse, sur la même plateforme, de la part des auteurs dont les publications scientifiques ont été mises en cause. Pourtant, après les avoir questionnés à ce sujet, les chercheurs de l'IHU-MI ont certifié à FranceSoir que les scientifiques avaient répondu aux allégations d'Elisabeth Bik... Le site PubPeer semble donc avoir choisi de faire disparaître leurs réponses.
Que contenait la contre-argumentation des scientifiques de l'IHU-MI ? Il s'agissait de répondre aux principales accusations en démontrant à l'aide du logiciel "Imagine J" que les deux publications ne contenaient pas les mêmes images. Au passage, comprenant que ses analyses d’images étaient réalisées avec des outils de qualité médiocre, certains chercheurs ont demandé à Elisabeth Bik et à PubPeer de préciser quel logiciel était utilisé pour examiner les images.
Leurs réponses et leurs questions ayant été censurées par le site PubPeer, FranceSoir qui a toujours été attaché au débat contradictoire, a décidé de les publier afin que toute personne intéressée puisse en prendre connaissance afin de se forger une opinion sur le sujet (accéder au document ici).
Élisabeth Bik contrôle l’activité de scientifiques de renommée internationale
Les chercheurs de l’IHU-MI n’ont pas été les seuls à être contrôlés par Elisabeth Bik. David Sabatini, chercheur en microbiologie, est reconnu pour ses contributions importantes dans le domaine de la signalisation cellulaire et du métabolisme du cancer. Sa découverte de mTOR, une protéine kinase, régulatrice de la croissance cellulaire et organique dérégulée dans le cancer, le diabète et le processus du vieillissement, a fait de lui un scientifique de premier plan.
Lui aussi a eu des contributions attaquées par Elisabeth Bik et le site PubPeer. Dans un tweet daté du 28 janvier 2020, David Sabatini s’est plaint notamment du harcèlement anonyme de certaines personnes qu’il soupçonne de ressentiment et qu’il qualifie de scientifiques mesquins et ratés.
https://www.francesoir.fr/societe-sante/elisabeth-bik-la-deceleuse-de-fraudes-scientifiques-soupcons
Add a review